Ho, la fleur blessée qui riait tout le temps...

Ho, 27 ans, serveuse dans le restaurant du marché couvert d'à côté, un p'tit marché de rien du tout sous un hangar, plein à craquer jusqu'à 14 h 00. Puis les stands disparaissent, le restau ferme et le calme s'abat sur le lieu.

Ho rentre alors chez elle, elle a fini sa longue journée. Elle travaille avec sa mère et sa soeur qui cuisinent. Le matin, elles ouvrent à 8 h. Le coup de feu commence vers midi. Ho se charge seule de la salle et ses traits se tirent au fur et à mesure que les tables se remplissent. Il fait chaud, mais les gens restent calmes. Je l'aide, ça me rappelle le restaurant de mes parents. Sauf que je ne comprends rien, et les clients sont surpris de voir une occidentale leur apporter leur assiette. Trop drôle !

Par moments, c'est plus tranquille, elle me raconte une vie sentimentale désastreuse. Elle refuse de rencontrer quelqu'un. "Sauf si c'est un occidental. Ils sont plus sérieux, pas comme les thailandais qui sortent avec 4 filles à la fois. Et puis ils sont tellement beaux avec leurs cheveux dorés et leurs grands yeux bleus. Moi, je suis la seule à avoir des petits yeux dans ma famille. Ma mère m'appelle la japonaise."

Aux fourneaux, sa mère prépare les plats thaïlandais typiques. Je ne connais pas la moitié des ingrédients ! Des crevettes énormes, des espèces de gombos, des tous petits concombres. Le meilleur, du riz aux fleurs servi sur une feuille de bananier. Avec un jus de chrysanthème bien sûr !

Ils ont fait de cette case de tôles un havre paisible à grands renforts de plantes (même un arbre !) et de fontaines. Vers 15 h 30, lorsque tout est propre et que les tables sont pliées, que les deux frères de Ho sont revenus de l'école, on charge la voiture de Jen, sa soeur, et on rentre chez eux, à 70 km au nord de Bangkok.

Ils font la route tous les jours, plus de deux heures aller et retour, et surtout décollage à 5 h le matin (après avoir fait le marché et la cuisine pour la journée, la maman se lève à 2 h 00). Mais cette jolie petite maison au jardin fleuri d'orchidées et d'oiseaux du paradis en vaut la peine. Une chambre, une salle de bain, une pièce pour ranger tous les vêtements et une grande salle avec une petite table dans un coin, une grande commode et une grosse télé.

Au mur, Dip, 8 ans, a écrit les prénoms de toute la famille. Même celui de son père absent. Il a aussi un petit meuble pour lui où il range précieusement ses livres d'école dans un bandana turquoise. Au dessus, il a collé son emploi du temps. À côté, sur une table, l'autel buddhiste pour les offrandes. ça sent bon l'encens et le jasmin.

Le portrait du roi, des autocollants hello kitty, des photos de famille, un cadre avec des moines, un autre avec des chevaux au galop.

Dip me réclame un cours de dessin. Le chien et le chat s'en mêlent, un chien pourri et un chat grand comme un chien ! C'est un siamois aux yeux bleu et doré. Mais Dip reste sérieux. Un cours sans parole. Je ne parle pas thaïlandais. Seule Ho parle anglais. Sa soeur me dit que m'écouter parler, c'est un peu comme regarder son DVD de Startrek qui n'est pas doublé. J'avais toujours rêvé d'être un DVD !

Dip fait ses devoirs sur la terrasse. Ho me propose de l'aider, mais les maths en chiffres Thaï... On goûte des cerises locales, c'est amer !

Vers 20 h 00, on va près du temple. Il règne une ambiance de fête du village sur une place de l'église, plein de petits stands de nourriture, toutes les familles sont là. Personne ne cuisine chez soi ici, j'ai l'impression.

Je suis pour la première fois la seule occidentale à des kilomètres à la ronde ! Immersion totale.

Soudain, Ho m'attrappe le bras et me montre le vendeur de glaces. Il saisit la cuiller comme un revolver, la fait tourner comme un cow boy, fait une belle boule de glace, et nous fixe...

Et hop ! Il envoie la boule dans les airs, à au moins 3 mètres ! Et paf, elle retombe en plein dans le mille dans la coupe qu'il nous passe.

Dip veut essayer, mais il n'a pas le même succès... La boule s'écrase à ses pieds, tout le monde rit, même Dip.

Vers 21 h 00, on rentre et on se couche aussitôt.

On dort tous ensemble dans la même chambre, même le chat... La maman dort sur son sac à mains. À 2 h 00, je l'entends se lever pour cuisiner. À 4 h, elle vient chercher Ho pour le marché. On se lève à 5 h pour être tous prêts quand elles reviennent et retourner à Bangkok. Les garçons enfilent leur uniforme, ils ont la classe. On charge les plats que la maman a préparé, la grosse marmite de riz, les légumes et les sauces, tout est prêt pour la journée qui commence...

Ho m'a serrée dans ses bras en partant, je reste ébahie devant tant de générosité. Sa famille s'est comportée avec moi comme si j'étais des leurs. Sa mère m'a dit "tu es ma fille." en m'embrassant...

Comments

[maevina]

très enrichissant pour toi et très dépaysant pour nous, merci!

[Emily]

Merci Galien ! C'est l'aventure, j'apprends qu'il ne faut pas avoir peur des gens, qu'ils nous apportent beaucoup. On a des petits bouts de famille partout, genial !

[galien]

Belle prose ! très jolie histoire remarquablement bien illustrée !